Connu pour son lagon magnifique, l’archipel mahorais possède une biodiversité rare que plusieurs acteurs tentent de sauver. Ce mercredi matin, dans les locaux de la Somapresse (société éditrice de Flash Infos et Mayotte Hebdo) à Cavani, tour d’horizon de ce qui est fait dans et sur l’eau.
Ils sont parfois perçus dans le lagon comme les empêcheurs de tourner rond. Associations environnementales, Parc naturel marin de Mayotte et la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm) participent à la protection des espèces animales vivant dans ou aux abords du lagon mahorais. Cette mission essentielle implique parfois des changements de comportement, voire même des restrictions, ce qui n’est pas toujours accepté par la population locale. « Pour qu’un arrêté fonctionne, il faut qu’il soit accepté par la population », confirme Julie Lietar, chef de l’unité biodiversité à la Dealm. Celle-ci était l’une des intervenants de la table-ronde sur la préservation de la biodiversité marine, ce mercredi matin, lors de la Semaine de l’environnement organisée par la Somapresse. Ses interlocuteurs acquiescent et se rappellent de moments où des décisions ont été difficilement acceptées. « A Saziley, les habitants ont eu l’impression que l’interdiction leur ait tombé sur le coin de la tête », se souvient Michel Charpentier, le président des Naturalistes de Mayotte, à propos de l’interdiction d’accès entre 18h et 6h pour ce site connu pour les pontes de tortues. Arrivé cette année au Parc naturel marin en tant que chef du service ingénierie, Yoan Doucet cite aussi l’interdiction de la pêche en poulpe en vigueur au mois d’avril et lors de la première quinzaine de juin. « S’il y a une règlementation, c’est parce qu’il y a eu des recherches sur la reproduction, le but étant de continuer à en pêcher. »
Le même participant rappelle que « le lagon appartient à tous » et insiste sur « la mobilisation citoyenne ». « Ce n’est pas le Parc marin avec sa trentaine de paires de bras qui va sauver le lagon de Mayotte », fait-il remarquer. Sur le sujet des restrictions, Michel Charpentier n’hésite pas à demander des actions plus fortes sur des zones coralliennes ou des herbiers, là où la biodiversité marine s’y retrouve souvent. « Préserver la biodiversité ne doit pas être vu comme une contrainte, mais comme une chance », défend-il.
Des espèces menacées
Si les acteurs de l’environnement sont si impliqués, c’est que l’enjeu est grand. Mayotte fait partie des « hot spots » de la biodiversité. C’est-à-dire que la biodiversité particulièrement riche y est menacée par les activités humaines. Coordinateur scientifique de Ceta Maoré, David Lorieux rappelle que 25 espèces de mammifères marins cohabitent dans la zone sur une centaine connue dans le monde. « On en a un quart. Pour un si petit territoire comme Mayotte, c’est énorme », fait-il remarquer. Parmi ces mammifères, deux font l’objet de plans nationaux d’action (PNA), l’un en cours pour les dugongs, l’autre à venir pour les tortues. Enfin, deux sujets sont revenus sur la table, le braconnage des tortues et la surpêche. Pour le premier, Michel Charpentier note que les forces de l’ordre et la justice « sont plus efficaces », avec des peines de prison ou des amendes de plus en plus lourdes. Il regrette toutefois que les consommateurs et les commanditaires ne soient pas davantage inquiétés. Pour la pêche, si celle pratiquée à Mayotte n’est pas remise en cause, les quatre intervenants alertent sur les DCP dérivants (dispositifs de concentration de poissons). Cette méthode est devenue très fréquente pour les thoniers-senneurs qui parcourent les eaux de la ZEE (Zone économique exclusive). Ils y laissent ces installations en mer pour que les poissons viennent s’y agglutiner. « 90% de la pêche réalisée par les thoniers l’est avec les DCP », indique la responsable de la Dealm. Le recours aux DCP n’est pas sans conséquence à Mayotte où ils viennent s’échouer régulièrement soit sur le récif coralien, parfois sur plusieurs mètres, soit sur les côtes. « Il faut se rendre compte qu’il s’agit d’installations lourdes, qui peuvent noyer les mammifères. À partir de 30 minutes, si une tortue ne respire pas, elle meurt. Pareil si un requin ne peut plus bouger », rappelle le représentant de Ceta Maore.
Animaux eux aussi, les coraux font aussi l’objet d’une surveillance accrue, notamment cette année où le blanchissement a été particulièrement important, les résultats d’une étude sont d’ailleurs très attendus sur le sujet. « Ce n’est pas qu’à Mayotte, c’est au niveau mondial. Mais c’est vrai qu’il y a une perte conséquente », constate déjà Julie Lietar.
Alexis Duclos